Rois & reines

Le parfum de Marie-Antoinette

parfum marie-antoinette fargeonAu cours de l'Histoire, le parfum a eu trois fonctions : honorer les dieux, lutter contre les maladies et séduire. Le parfum était essentiellement associé à l'aristocratie, et notamment aux rois et aux reines. Quand on songe à Versailles, on songe aussitôt aux effluves et aux senteurs des courtisans. Quel était le parfum de Marie-Antoinette ?

Le parfumeur de la reine se nommait Jean-Louis Fargeon et venait de Grasse. C'était le fournisseur officiel de la plupart des membres de la famille royale comme Monsieur, le frère du roi (futur Louis XVIII), Mesdames, tante de Louis XVI. Fargeon composait des senteurs qui convenaient à la personnalité de chacun. Ainsi, il livrait à Mesdames, réputées avares, de l'eau de Cologne, des eaux de lavande, et de "l'eau de fleur d'orange du Roy", en souvenir de leur père Louis XV. Pour Marie-Antoinette, le parfumeur confectionnait des eaux de rose, de violette, de jasmin... qu'il intensifiait avec du musc, de l'ambre ou de l'opopanax. Ces parfums étaient très concentrés, comme l'aimait la reine, et nécessitait un temps de travail important. Leur prix était donc élevé.

La dame d'atours de la reine n'hésitait pas à les utiliser pour parfumer l'air. Elle faisait brûler des pastilles et des pots-pourris embaumaient l'air.Read MoreA l'époque, les sachets d'odeur étaient très en vogue. Il s'agissait de pièces de tissus (taffetas de Florence, satin ou soie) garnies de pots-pourris, poudres ou cotons parfumés. La reine aimait en offrir à ses proches.

 

Mais Fargeon ne se contentait pas de fabriquer des parfums pour la reine. Il réalisait également pour elle des cosmétiques et diverses eaux pour la peau. Marie-Antoinette était réputée pour son teint de porcelaine. Elle en prenait grand soin. Son teint était naturellement beau, mais elle utilisait de "l’eau cosmétique de pigeon" pour nettoyer sa peau, de "l’eau des charmes" pour la tonifier, et de "l’eau d’ange" pour la blanchir et la purifier. En revanche, sa carnation étant parfaite, elle n'utilisait pas comme d'autres courtisanes "d'eau de Ninon de Lenclos", censée conserver la jeunesse.
Pour avoir des mains douces, elle les enduisait de "pâte Royale" qui prévenait des gerçures. Elle adorait les pommades à la rose, à la vanille, à la frangipane, à la tubéreuse, à l’œillet, au jasmin, aux mille-fleurs.
Pour son bain, elle usait de savonnettes aux herbes, à l’ambre, à la bergamote. Pour conserver l'éclat de ses dents, elle commandait des poudres et opiats. Côté maquillage, c'est Mademoiselle Martin qui lui fournissait son rouge à lèvres. Enfin, Fargeon composait exclusivement pour elle une poudre et une pommade à la Reine dont elle seule bénéficiait.

jean-louis fargeon parfumeur de marie-antoinetteMarie-Antoinette posa problème à son maître parfumeur en lui demandant un parfum qui évoquerait son domaine chéri : Trianon. Fargeon composa le “parfum de Trianon” à l'image de sa reine bergère. Il fit entrer dans sa composition de l’esprit de fleurs d’orange, de l’esprit de lavande, de l’huile essentielle de cédrat et de bergamote, du galbanum, de l'iris, de la violette, une pointe de farouche, du  jasmin, du lys et de la tubéreuse, et même de la vanille, du cèdre et du santal. Enfin, de l’ambre, du musc et une pointe de benjoin.

Le XVIIIe siècle aimait les odeurs florales et fruitées. Une frénésie de senteurs reprit la société aristocratique et bourgeoise. Le parfum était un moyen de séduire :  on en imprégnait son mouchoir, son éventail, son corsage, son papier à lettres, ses ceintures, ses chaussures et même les boiseries et les papiers peints ! On aimait surtout la violette, le thym, la rose, le romarin et la lavande. Les parfums étaient livrés dans de petits flacons en porcelaine, en galuchat ou en bergamote, tout autant appréciés que leur contenu. Face à une demande croissante de parfums composés sur mesure, les premières grandes maisons de parfums se créèrent : Houbigan, Piver, Lubin en France ou Floris à Londres.

En raison de sa connotation aristocratique, le parfum disparut sous la Révolution française. Certains nobles partirent parfois à la guillotine, un mouchoir autour du cou imprégné d'essence de lys ou d'eau de la Reine, comme un emblème de leurs convictions royalistes.
Mais le parfum ne disparut que pendant une courte période. Au XIXe siècle, il renaquit de ses cendres et se développa grâce aux progrès de l'extraction et de la synthèse chimique. Ce fut l'avènement de la parfumerie moderne, avec l'apparition de grandes entreprises de parfumerie à Grasse (capitale du parfum) et à Paris : Guerlain, Pinaud, Lougier, Bourgeois, Molinard... Et depuis, l'histoire du parfum continue de s'écrire et reste associée à l'élégance et au luxe.

 

Source : Elisabeth de Feydeau, Jean-Louis Fargeon, parfumeur de Marie-Antoinette

Crédits photos : Perrin.
1ere image : La reine Marie-Antoinette dit "à la Rose" par Elisabeth Louise VIGEE-LE BRUN (1755-1842).
Agence photographique de la Réunion des musées nationaux