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Catherine II, une despote éclairée ?

Peinture de Catherine II
Je ne cesse de le seriner dans ces pages : méfions-nous des légendes, quelles soient positives ou négatives... J'en veux pour preuve un nouvel exemple, celui de Catherine II de Russie, alias Catherine la Grande.

La postérité l'a surtout retenue comme une "despote éclairée", selon le terme consacré. Une amie des philosophes, qui s'inspirerait, pour gouverner, de leurs idées libérales. Eh bien, désolée de décevoir ses fans mais il n'en était rien, ou plutôt, elle n'était "éclairée" qu'en surface, sur le papier, en théorie.

C'était une femme intelligente, cultivée, protectrice des arts et des lettres. Elle était attachée aux philosophes, en particulier à Voltaire et Diderot. Ceux-ci le lui rendaient bien, qui lui vouaient un véritable culte. Ainsi, Voltaire l'appelait "l'astre le plus brillant du nord" ou encore "la bienfaitrice de l'Europe". Il la vénérait et leur correspondance dura quinze ans, jusqu'à la mort du philosophe, sans qu'ils ne se rencontrent jamais. Elle reçut Diderot à sa cour, il fut son bibliothécaire. Par leurs louanges effrénées, les philosophes furent des attachés de presse parfaits auprès de l'opinion...

Mais il y a loin des idées à leur mise en pratique. Et si la souveraine du plus vaste empire du monde prétendait goûter aux idées des Lumières, jamais elle ne les appliqua, ou si peu. Elle gouverna d'une main de fer, en autocrate (l'autocratie étant la monarchie absolue à la russe). Elle ne réforma pas le servage mais au contraire, l'amplifia. Rien à voir avec les Droits de l'Homme donc (le servage étant une forme d'esclavage des paysans).  

Quand la Révolution française éclata, elle fut écœurée et détesta le régime. La France , dont elle chérissait tant la culture, était devenu pour elle "un repaire de crapules". Elle voyait d'un très mauvais œil les jacobins et se mit à haïr les Français qui avaient commis l'ignominie de renverser le trône de France. Elle en voulut à Louis XVI d'avoir signé la Constitution.

Après les avoir admirés, les philosophes perdirent tout crédit à ses yeux, car elle les rendait coupables d'avoir fait émerger, par leurs idées, la Révolution. Et tandis que les révolutionnaires transportaient les cendres de Voltaire au Panthéon, elle fit reléguer son buste au grenier...  

Elle se désespéra en apprenant la fuite de la famille royale car elle espérait accueillir le roi en exil. Quand elle eut vent de sa mort, elle fut si choquée qu'elle en fut malade.

Elle ordonna à tous les Français résidant en Russie de renier le régime révolutionnaire et de regarder l'exécution de Louis XVI comme un "acte de scélératesse abominable". Bref, elle était monarchiste jusqu'au sang, et estimait que si la plèbe venait à se mêler des affaires publiques, cela tournait à la catastrophe, l'exemple français le montrant.

Il est donc étonnant qu'on ne retienne que ses idées de jeunesse au détriment de sa philosophie conservatrice, mais cela illustre ses merveilleux talents en matière de "communication".

Cette légende erronée n'enlève évidemment rien à ses mérites, largement démontrés, en tant qu'impératrice. Mais ceci est une autre histoire...