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L'école maternelle, des écoles pour pauvres aux écoles pour tous
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- Publié le vendredi 8 février 2013 14:57
En ce moment, je m'intéresse beaucoup à la question de l'école maternelle. Je me suis donc penchée sur son histoire et son origine. Saviez-vous que l'ancêtre de l'école maternelle datait de 1771 ? Encore une invention du XVIIIe siècle. :) Le siècle de Rousseau qui marqua durablement les réflexions sur l'éducation avec son livre Emile ou De l'Education, ouvrage fondateur et moderne pour l'époque, toujours recommandé actuellement aux enseignants de maternelle...
Les salles d'asile du XIXe siècle
Les premiers lieux d'accueil de jeunes enfants ouvrent à l'initiative de personnes comme le pasteur Jean-Frédéric Oberlin, qui crée une "école de tricot" dans les Vosges, pour des enfants de quatre à sept ans. A partir de 1825, avec la Révolution industrielle et l'émergence d'une classe ouvrière, se développent des institutions nouvelles appelées "salles d'asile" ou "salle d'hospitalité", destinées aux enfants d'ouvriers. Leur vocation est sociale et hygiéniste : il s'agit de protéger ces enfants des dangers de la rue. On leur inculque des habitudes d’ordre, de propreté et de respect qui les préparent à "une vie honnête, décente et chrétienne".
En Allemagne, en 1840, Friedrich Fröbel crée le jardin d’enfants. Ce socialiste romantique veut développer l’intelligence et le cœur des enfants dans une projet éducatif qui s’adresse aux classes moyennes.
L'école maternelle sous Jules Ferry
Les salles d'asile se développent sous le Second Empire, grâce à l'action de Marie Pape-Carpantier. Elles prennent officiellement le nom d'« écoles maternelles » en 1881, pendant la Troisième République, sous l'autorité de Pauline Kergomard Inspectrice Générale. Celle-ci ne souhaite pas faire de ces écoles des lieux d'instruction à part entière, mais visant à favoriser le « développement naturel » de l'enfant.
Nommée par Jules Ferry, Pauline Kergomard veut faire de l’école un lieu « maternel », qui offre aux enfants ce que les mères qui travaillent n’avaient pas le temps de faire : l’acquisition de bonnes habitudes sociales, des activités d’expression écrite et orale, une bonne élocution...
Une loi du 16 juin 1881 définit l’école maternelle publique comme une école non obligatoire, gratuite et laïque, intégrée à l’école primaire. C'est désormais l’Etat qui prend en charge l’organisation et le financement de l’éducation des enfants de deux à six ans, sous la tutelle du Ministère de l'Instruction publique. On passe donc de la charité privée au droit à l’éducation, reconnaissant l’intérêt d’une prise en charge respectueuse des besoins et de la nature de l'enfant. L’école maternelle s’inscrit dans une perspective de préparation des enfants à l’entrée à l’école élémentaire devenue obligatoire à six ans. Cette scolarisation obligatoire dès six ans est dans l'air du temps, dans la mouvance des avancées sociales comme l’interdiction du travail des enfants avant douze ans.
Les écoles maternelles étaient mixtes, contrairement à tous les autres niveaux d'enseignement. Les adultes chargés de s'occuper des enfants de ces écoles étaient uniquement des femmes.
Aujourd'hui, on peut se demander si cet aspect "maternel" d'origine a su être préservé... Avec des classes d'une trentaine d'élèves pour un professeur, rien n'est moins sûr. Je me suis donc intéressée à des pédagogies dites "alternatives", qui veillent au respect du rythme et de la personnalité de l'enfant : Montessori, Steiner, Freinet, l'Education Nouvelle... Je n'apprécie toutefois pas ce qualificatif d'alternatif, plutôt connoté péjorativement (car associé à tort à des pratiques new age ou bizarres), car pour moi, toute l'école devrait être ainsi : humaniste et au service du développement de l'enfant. L'école ne devrait pas être une grosse machine qui broie l'enfant incapable de s'adapter, mais devrait au contraire l'aider, l'épanouir. Nos voisins européens reprochent d'ailleurs le fait qu'en France, il y a un regard insuffisant sur les enfants en difficulté (handicaps et autres) ou défavorisés socialement. Là où les pédagogues de l'Education Nouvelle avaient étudié et travaillé avec des élèves en difficulté... Les pédagogies alternatives sont d'ailleurs beaucoup plus tolérées et reconnues en Europe.
Un autre problème selon moi est lié à la carte scolaire et à l'aspect économique : les enfants habitant dans les meilleurs quartiers, donc les plus aisés, ont accès aux meilleures écoles (privées ou publiques). On aboutit donc à un phénomène de reproduction sociale, loin de la vocation sociale des premières écoles.
Enfin, rappelons que l'école à trois ans est une exception française : ailleurs en Europe, les enfants la commencent à quatre ans, et le rythme scolaire est plus souple.
Attention, que l'on ne se méprenne pas, mon article ne se veut pas une diatribe contre l'école maternelle, loin de là, c'est plutôt un ensemble de questions que je me pose sur ce que devrait et pourrait être la maternelle...
Images (salles d'asile, en 1827 pour la seconde) : L'école maternelle à Paris