Rois & reines
Un mariage princier : Grace Kelly et Rainier III
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- Publié le samedi 30 avril 2011 09:24
- Écrit par Admin
Le 18 avril 1956, à onze heures, la salle du trône du palais de Monaco accueille la cérémonie civile du mariage de l'actrice américaine Grace Kelly et du prince Rainier de Monaco.
Elle dure à peine un quart d'heure. La mariée est sublime, dans sa robe de dentelle d'Alençon rose thé, à jupe évasée sous les hanches. Une robe dont était inspirée celle de Kate Middleton, en dentelles également.
Le prince et la princesse sont tendus et émus. Par cette union prestigieuse, Grace Kelly devient la femme la plus titrée d'Europe : "Duchesse de Valentinois, de Mayenne, de Mazarin, princesse de Château-Porcière, marquise des Baux, comtesse de Carlades, de Torigni, de Ferrette, de Belfort, de Thann et de Rosemont, baronne de Saint-Lô..."
L'après-midi a lieu une garden-party où sont conviés les quatre mille citoyens de la principauté. Photographes et journalistes ne sont pas invités. La journée s'achève par une soirée de gala à l'Opéra de Monte-Carlo.
Le 19 avril a lieu la cérémonie religieuse. Parmi les invités, on trouve Marcel Pagnol, Jean Cocteau, Somerset Maugham, Aristote Onassis, Jack Warner, l'Aga Khan et la Bégum, la princesse Ghislaine de Monaco, François Mitterrand et Monseigneur Marella (représentant le pape Pie XII). Les deux grands absents sont Alfred Hitchcock et Frank Sinatra, qui ne veut pas croiser son ex-épouse Ava Gardner, également invitée.
Dès 10 heures, la télévision retransmet en eurovision la cérémonie. Trente millions de personnes dans neuf pays la suivent en direct.
A 10h40, après l'accueil des invités, la cérémonie commence. Les musiques choisies sont essentiellement des morceaux de Bach et de Mozart. Après les allocutions en français et en anglais de Mgr Barthe et de Mgr Marella, c'est la bénédiction nuptiale :
« Monseigneur, consentez-vous à prendre pour épouse Mademoiselle Grace-Patricia Kelly ?
— Oui, répond le prince.
— Grace-Patricia, consentez-vous à prendre pour légitime époux Son Altesse Sérénissime Rainier III, prince souverain de Monaco ?
— Oui.
— Nous vous déclarons unis par les liens sacrés du mariage. »
Les deux époux s'échangent les anneaux, puis sortent de la cathédrale. Ils font, en voiture, le tour de la ville avant de remonter au palais. En fin d'après-midi, celle qui est désormais la Princesse Grace de Monaco s'en va, avec Rainier, en lune de miel à bord du yacht du prince le Deo Juvante II.
Rainier raconte : « Nous avions embarqué vers 5 heures du soir et tous les deux, la princesse et moi, étions absolument épuisés par les cérémonies de la journée. Je me souviens qu'à bord on nous avait préparé un superbe buffet composé de caviar, foie gras, champagne et choses de ce genre. Mais nous étions bien trop fatigués pour avoir envie d'en profiter. Sitôt les côtes de la principauté hors de vue, nous nous sommes effondrés dans des fauteuils et nous nous sommes endormis, ne nous réveillant que deux heures plus tard. Nous étions comme assommés. »
L'histoire de Grace Kelly, c'est le conte de fées moderne d'une héroïne qui épousa un prince (comme dans son film "Le Cygne" de 1956).
C'est le vendredi 6 mai 1955 qu'eut lieu leur rencontre, organisée par Gaston Bonheur, chef de la rédaction de Paris Match. La journée avait pourtant mal commencé. La conférence de presse pour "Une fille de la province" fut plus longue que prévu. Ayant pris du retard, Grace envisagea de ne pas aller au rendez-vous. Son ami, l'acteur Jean-Pierre Aumont, insista sur le fait que « la visite au prince était plus importante, que c'était un grand honneur et que, si elle n'y allait pas, cela risquait de nuire aux bonnes relations entre les Etats-Unis et la Principauté de Monaco. » Elle céda. Arrivée au palais, on l'informa que le prince était en retard. Lorsqu'il apparut, elle esquissa une révérence sous les flashes de deux photographes. Rainier évoquera plus tard ses impressions du moment : « Il était difficile de ne pas s'apercevoir que Miss Kelly était très jolie. Mais je pense que ce sont d'autres qualités qui m'ont séduit. J'ai été frappé par la maturité et la fraîcheur, la culture et la sensibilité de cette jeune star. Il n'y avait en elle aucune frivolité... »
Dans la voiture qui la ramène à Cannes, elle est étonnamment silencieuse. De Rainier, elle se contente de dire : « Il est charmant. » Elle rentre ensuite à Hollywood pour le tournage du film "Le Cygne".
Dès lors, le prince ne cesse de penser à elle et se confie au père Tucker, son chapelain. Ce dernier raconte : « Le soir même de la rencontre, le prince me téléphona au presbytère.
— Ça y est, j'ai rencontré quelqu'un. Je crois que c'est la personne qui convient.
— Qui est-ce, Monseigneur ?
— Cela va vous étonner mon père. C'est Grace Kelly !
— Monseigneur, je ne l'ai jamais rencontrée, mais j'ai entendu parler d'elle et de sa famille de Philadelphie et je crois que c'est exactement le genre de femme qui vous conviendrait comme épouse. »
L'ecclésiastique écrit à la jeune actrice et organise un voyage aux Etats-Unis avec le prince. Lors d'une interview, un journaliste demande à Rainier de lui décrire la femme idéale. Il répond : « Je la vois blonde, gracieuse et féminine, avec de longs cheveux flottant au vent, avec des yeux bleus dans lesquels passent des éclats d'or. »
Pour fêter Noël en famille, Grace se rend à Philadelphie où l'attend le prince Rainier, et c'est lors d'un dîner qu'ils se retrouvent. C'est à New York, au cours d'une réception privée pour le Nouvel an, que Rainier fait sa demande. Le 5 janvier 1956, les fiançailles sont annoncées au monde entier. Sur le tournage de "Haute Société", les journalistes ne cessent de lui poser des questions. Elle avoue être
« follement heureuse. Je n'aurais jamais cru que l'on puisse être si heureux. »
Cependant, son mariage ne fut pas pour la princesse le plus beau jour de sa vie. « Le plus beau jour de ma vie, confiera-t-elle plus tard, fut celui de la naissance de Caroline, car une première maternité est une expérience extraordinaire. » (la princesse Caroline de Monaco vint au monde le 23 janvier 1957, moins d'un an après le mariage)
Elle est désormais princesse, et doit laisser derrière elle sa carrrière d'actrice. Si le mariage a fait sensation, si les premiers temps sont heureux, la dure réalité prend vite le pas sur le conte de fées. Grace ne se sent pas chez elle dans son palais de Monaco, elle n'aime pas le climat méditerranéen, préférant le froid. Elle peine à apprendre le français, aura toujours des difficultés de prononciation et ne perdra jamais son accent. Le cinéma, qui était toute sa vie, lui manque. Elle finit par tomber en dépression et se sent prisonnière de sa nouvelle vie :
« Durant les premiers temps de ma vie à Monaco, j'avais perdu mon identité. Je m'efforçais de suivre mon mari et la vie de mon mari ; le travail absorbait toute ma personnalité. »
En 1982, à la question d'un journaliste : Comment aimeriez-vous que les gens se souviennent de vous après votre mort ?, elle répond : « J'aimerais que l'on se souvienne de moi comme de quelqu'un de simple qui a essayé de faire son métier de princesse de son mieux... »
Source : Bertrand Meyer-Stabley, La Véritable Grace de Monaco, Pygmalion, 1999