Rois & reines
Les toilettes de Marie-Antoinette : quand la mode devient instrument politique
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- Publié le mardi 15 mars 2011 16:52
- Écrit par Admin
Marie-Antoinette se faisait faire environ 170 robes à l'année, les tenues “réformées” étant régulièrement vendues ou données. Trois fois par an, la souveraine commandait à son "ministre de la mode" : douze grands habits de cour, douze petites robes dites de fantaisie, douze robes riches sur panier pour le jeu ou le souper des petits appartements.
Ces tenues occupaient la place centrale des dépenses de la reine, aux côtés de six autres postes budgétaires :
- dentelles, mousselines et toiles
- fourrures,
- parfumerie et mercerie
- bas, souliers et chapeaux
- étoffes de soie et autres
- modes et parures
Mais ce goût pour la mode n'était-il que le signe d'une coquetterie et d'une frivolité que l'on associe si souvent à la reine et qui lui valurent maintes critiques ? Comme vous vous en doutez - la réalité étant toujours plus complexe que ce que les idées reçues veulent nous faire croire -, la réponse est non.
Si l'épouse de Louis XVI se préoccupait autant de ses toilettes, c'est aussi et surtout parce que cela lui permettait d'échapper aux pesanteurs de l'étiquette, cette étiquette qu'elle ne supportait plus. Rappelons que l'univers de la Cour de Versailles était superficiel, impitoyable, cruel, basé entièrement sur le paraître. Dans un tel contexte, la question des toilettes de la reine et des grands de ce monde était capitale, d'où, entre autres, les nombreuses dépenses de la souveraine pour ses parures et ses bijoux (devoir de représentation de la première dame du royaume).
A travers ses tenues masculines de cavalière, ses monumentaux poufs capillaires, ses déguisements de bal et ses habits champêtres à la gaulle, Marie-Antoinette pouvait ainsi se soustraire à l'épreuve que constituait le port de la robe à panier et du corset à armature de fer. Caroline Weber, dans son ouvrage The Queen of Fashion (Henry Holt, NY, 2006), montre même qu'elle fit de ses habits un véritable mode d'expression politique. Hélas, cela eut autant pour effet de lui assurer des triomphes que de la conduire à sa perte...
Auprès du peuple, d'abord. On la critiqua vivement quand elle s'habilla en "gaulles", ces robes de mousseline ou de linon blanc, à la mode des créoles, toute simples et ceinturées de bleu. Son portrait réalisé par Elisabeth Vigée-Lebrun la représentant en tenue de gaulle (voir illustration ci-dessus) fit scandale : on lui reprocha de se vêtir comme une femme de chambre et de ruiner le commerce de la soie en France (soie de Lyon). On jugeait ce vêtement réservé pour l'intérieur. Les critiques s'empressèrent de nommer la tenue "chemise". La portraitiste se dépêcha alors d'habiller la reine, ce qui donna le fameux “Marie-Antoinette à la rose” ci-dessous , peut-être le plus célèbre tableau de la reine.
Quand la reine fit construire son Hameau (imitation d'une véritable ferme avec de vrais animaux dedans) et s'habilla en bergère, les paysans de la France profonde s'en offusquèrent car eux ne portaient pas de la mousseline comme ceux du Hameau et étaient écrasés par les impôts.
Sa mère, en découvrant l'un de ses portraits, considéra qu'elle ne voyait pas une reine de France mais une "actrice"...
Enfin, elle se mit à dos une partie de la Cour. En effet, Marie-Antoinette entendait utiliser la mode comme moyen de distinction opérant une hiérarchie entre les familles, un mode de classement qui concurrençait les anciennes valeurs traditionnelles de naissance ou de richesse. Cette thèse est développée par Michelle Sapori, dans son ouvrage Rose Bertin : Couturière de Marie-Antoinette (Perrin, 2010).